une carrière criminelle

IV. QUAND EST-CE QU'UNE CARRIÈRE CRIMINELLE EST PROBABLE?

Les possibilités de faire un pronostic.

Des études longitudinales ont montré de manière soutenue que le comportement délinquant adulte prend racine au cours de l’enfance. Ce développement est lié à des facteurs individuels, sociaux et environnementaux défavorables. Ces facteurs à risque sont des facteurs qui sont associés à un développement vers la délinquance ou des facteurs qui forment un obstacle vers un développement normal. Ceci ne veut pas dire que ces facteurs sont les causes du comportement criminel. Il est très difficile de prouver la causalité car nous ne connaissons pas tous les éléments qui jouent un rôle dans le développement d’un être humain et parce que nous ne pouvons pas, pour des raisons éthiques, faire des expérimentations. Il est donc possible qu’un facteur à risque soit fortement lié au développement asocial, mais qu’un autre facteur ou plusieurs autres facteurs en soient les vraies causes. C’est pour cette raison qu’il faut, avant de tirer des conclusions des études sur les facteurs à risque, distinguer le pronostic et le traitement. Le pronostic peut être basé sur notre connaissance des facteurs à risque, mais le traitement doit être basé sur une étude approfondie de l’histoire et des circonstances actuelles de chaque cas particulier.

Les facteurs à risque qui sont cités les plus souvent par les chercheurs sont:

1. des relations familiales problématiques: peu de cohésion familiale et une communication déficiente;

2. une éducation familiale défaillante: une supervision déficiente, une discipline sévère et inconstante et des règles mal établies ou absentes;

3. des problèmes psychiques chez les parents: troubles psychiatriques, abus de drogues ou d’alcool.

D’un autre côté, il y a des facteurs protecteurs, qui protègent l’enfant d’un développement vers la délinquance. Les facteurs protecteurs les plus cités sont:

1. de bonnes relations avec d’autres enfants;

2. de bonnes prestations à l’école;

3. un bon aménagement des loisirs;

4. de bonnes relations avec les autorités.

Les dernières recherches sur le lien entre les facteurs à risque et le comportement délinquant indiquent que c’est surtout un cumul de ces facteurs qui favorise un développement asocial. Quand l’enfant, dès un jeune âge (avant 8 ans) est agressif, vole et consomme de l’alcool, le risque est très élevé. La combinaison des problèmes comportementaux et des problèmes d’apprentissage rend le pronostic également sombre. Nous voyons par exemple que 45% des jeunes délinquants ont un retard de la compréhension et de la maîtrise de l’écriture.

En ce qui concerne les facteurs à risque dans le milieu éducatif, c’est le manque de supervision de la part des parents et une approche inconséquente qui sont les facteurs les plus désavantageux. De nombreuses études appuient la thèse des liens directs ou indirects entre une série de facteurs familiaux et la délinquance. Les facteurs familiaux les plus fortement associés à la délinquance juvénile ont trait à la relation parent-adolescent. De ces facteurs, deux dimensions semblent se démarquer. Une première réfère aux méthodes structurantes de la relation. Celles-ci sont représentées par des facteurs de pratiques éducatives telles que la supervision, les sanctions et les règles. La deuxième dimension réfère à la dynamique de la relation, c’est-à-dire son aspect qualitatif. Elle est le plus souvent représentée par des facteurs tels que la communication, l’attachement, l’affection, l’acceptation, le soutien, le rejet, l’hostilité et le contrôle.

Malgré une connaissance détaillée des facteurs à risque, il sera toujours impossible de faire un pronostic infaillible pour chaque cas particulier. On ne pourra jamais prévoir si la personne X commet un délit à un moment précis. Il s’agit toujours de probabilités statistiques et la corrélation n’excède jamais un score de 0.44. En plus, il n’est pas toujours facile de déterminer ou de mesurer exactement les facteurs en question. La définition de ceux-ci et les énoncés qui les mesurent peuvent différer d’une étude à l’autre. Il est, cependant, possible d’énoncer quelques définitions représentatives. Par exemple: la notion de supervision se résume par la connaissance de la part des parents des va-et-vient et des fréquentations du jeune. La discipline se définit par l’intensité et la fréquence des réactions physiques ou non physiques de désapprobation parentale face aux comportements inappropriés de l’enfant. Les règles familiales sont des critères de conduite établis à l’intérieur et à l’extérieur du foyer.

Des études rétrospectives des groupes de jeunes récidivistes qui sont devenus de plus en plus violents, indiquent les facteurs suivants comme à risque:

1. grandir dans une famille monoparentale

2. chômage prolongé des parents

3. manque de supervision de la part des parents et peu d’engagement pédagogique

4. des parents ou des aînés qui sont délinquants

5. des parents qui ne réagissent pas d’une façon adéquate au comportement délictuel de l’enfant

6. avoir des amis délinquants

7. une attitude négative vis-à-vis de l’école

8. accepter des transgressions de la loi

9. une attitude non-conventionnelle vis-à-vis la société

10. ne pas être sérieusement intéressé dans une formation professionnelle

11. un manque de perspectives d’avenir

12. des relations perturbées avec des adultes qui pourraient jouer un rôle de modèle

13. peu d’identification avec des adultes

14. ne pas avoir de relation durable avec une amie

15. les contacts policiers ou judiciaires n’ont pas un effet de dissuasion.


LE DÉVELOPPEMENT VERS UNE CARRIÈRE CRIMINELLE

Nombre de courants théoriques sociologiques et psychologiques prétendent que la délinquance est acquise, et que cette acquisition se fait particulièrement à travers l’influence d’un entourage proche et dominant. Parmi les facteurs de cet environnement, les parents apparaissent être l’autorité première à qui revient la responsabilité de guider le développement cognitif, affectif et comportemental de leurs enfants. Bien que les enfants puissent avoir un tempérament génétiquement ou neurologiquement déterminé, il semble que les facteurs relatifs à la relation parent-enfant aient un effet déterminant dans la diminution ou l’exacerbation des tendances illicites du jeune.

La plupart des jeunes délinquants récidivistes suivent un développement semblable. On peut distinguer quatre phases dans ce développement:

1. La phase de l’apprentissage des aptitudes sociales de base

2. La phase des interactions négatives

3. La phase où l’enfant recherche la compagnie d’autres enfants difficiles

4. La phase du début de la carrière criminelle.

Pendant la première phase, les interactions entre l’enfant et ses parents sont influencées négativement par une conjonction de facteurs comme, par exemple un tempérament difficile, la non-réactivité de l’enfant, des problèmes relationnels entre les parents, un manque d’aptitudes éducatives et une supervision insuffisante. S’il y a aussi des problèmes financiers, si la famille habite dans un quartier défavorisé avec peu de modèles positifs d’adultes, on peut alors imaginer que cet enfant a beaucoup de chance de ne pas se développer normalement.

La deuxième phase qui débute avec l’entrée de l’enfant à l’école maternelle est marquée par la mauvaise adaptation au milieu scolaire et social. Cet enfant n’a pas appris les aptitudes nécessaires aux relations positives avec les autres. Cet enfant est indiscipliné; il ne peut pas demeurer en place et les adultes disent qu’il ne les écoute pas. Les relations avec les autres enfants sont aussi problématiques. L’environnement réagit de plus en plus négativement envers cet enfant. L’école et les voisins réprimandent les parents au sujet de la conduite de leur enfant et l’enfant lui-même devient de plus en plus difficile. Cet enfant devient un adolescent avec un comportement contraignant, c’est-à-dire opposition, égoïsme, taquinerie, brutalité, vantardise, bagarre, irresponsabilité, et une attitude antisociale ( c’est-à-dire une attitude non-conventionnelle, délinquance, de brutalité et d’opposition, rejet de l’aide).

Tous les échecs que l’enfant ressent l’obligent à faire l’école buissonnière et à rechercher la compagnie d’enfants que se trouvent dans la même situation que lui. C’est dans ce groupe qu’il est encouragé à commettre des délits qui sont d’abord mineurs. Il vole pour gagner la faveur des autres enfants.

C’est dans la quatrième phase que le comportement antisocial devient de plus en plus perturbé. Les délits ne sont plus des transgressions mineures avec une chance minime d’être appréhendé par la police, mais ils deviennent des actes criminels ou même violents. Pour beaucoup de ces enfants le premier contact avec la protection de la jeunesse a lieu pendant cette phase; ce qui est trop tard pour faciliter la prévention d’un développement qui a débuté depuis leur jeune âge.

Dans le paragraphe suivant nous examinons les possibilités d’identifier à temps ce groupe de jeunes aux inconduites persistantes qui se distinguent des délinquants temporaires

SUITE: IDENTIFIER LE GROUPE A RISQUE

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